1966
Lampes, circuits électriques, bois,
48 x 129 cm.
Collection MAC/VAL,
musée d’art contemporain
du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation
du FRAM Île-de-France.
Photo © Jacques Faujour.
Notice
François Morellet est l’artiste des paradoxes. Homme à la vie manifestement sérieuse (il a dirigé l’entreprise familiale à Cholet jusqu’en 1975), il n’en a pas moins toujours été artiste. Créateur en France de l’abstraction géométrique, il n’a de cesse de bousculer ses principes. Artiste, il se moque de l’inspiration et défend la place du spectateur.
Dès les années 1950, sa peinture remet en cause les choix arbitraires et le savoir-faire artistique ; Morellet soumet l’acte créateur à la définition d’un système, énoncé dès le titre : les règles du jeu (car il s’agit bien de jeu) sont données. Ce système, sur lequel repose l’élaboration de l’œuvre, laisse une place importante au hasard qui devient, à partir de 1958, un constituant de son œuvre.
La même année, il introduit la matière lumineuse comme matériau d’impression de l’oeil du spectateur. Déjà, il place ce dernier dans une situation de responsabilité et le charge de faire apparaître l’œuvre, que ce soit avec Reflets dans l’eau déformés par le spectateur (1964) ou, deux ans plus tard, avec ces 56 lampes avec programmation aléatoire-poétique-géométrique, ingénument rebaptisée par l’équipe du MAC/VAL « NON, NUL, CUL, CON »… De façon aléatoire, une constellation d’ampoules lumineuses apparaît, soumise au hasard de la programmation. Le jeu consiste à faire naître des mots fondés sur des formes géométriques, des gros mots parfois ! Le jeu de mots est un principe actif de l’œuvre de François Morellet. Vibrant successeur de l’esprit dada, l’artiste cultive ce moyen de voir et de décrier le monde.
Grâce à son humour féroce, il garde ses distances avec l’art, mais aussi, comme dans cette pièce effrontée, avec le monde. Il s’en cache pourtant un peu, car c’est au public qu’il revient de lancer ces « interjections grossières et dépréciatives » (Arnauld Pierre) en appuyant du pied sur la pédale. Que de souvenirs à l’installation de cette œuvre pour l’ouverture du musée et de rires en prévision des visites officielles ou devant la surprise des visiteurs.
C’est bien ici que se situe pour toujours la force du manifeste du GRAV1 : « Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter… » François Morellet fait avec cette œuvre surgir l’amusement, mais parfois aussi la gêne du regardeur qui devient responsable de l’apparition de ces messages insolents, comme l’est irrémédiablement leur terrible inventeur.
A.F.