De l’œuvre à l’artiste
Inci Eviner
Née en 1956 à Polath (Turquie), vit et travaille à Istanbul (Turquie)
Au milieu et en mouvement
Comment concilier imagination, urgences politiques avec ses propres contradictions ? Comment prendre position en tant qu’artiste et citoyenne ? Comment déjouer les représentations et clichés orientalistes dans l’art ? Voici les questions que Inci Eviner dit tenter de travailler au quotidien et qui peuvent résumer son parcours noué par une culture orientale et occidentale. Depuis sa formation à l’Académie des Beaux-Arts d’Istanbul en 1980 et son doctorat en 1992 à l’Université de Minar Sinan, Inci Eviner n’a pas cessé de parcourir le monde, dans le cadre d’expositions personnelles (Galeria Delta à Rotterdam, Galeri Nev à Istanbul et Ankara), d’expositions collectives (dont « Harem » à Whitechapel, Londres en 2009, « Translocalmotion » 7e biennale de Shanghai en 2008) et de résidences (Leube à Salzburg, ISPC à New-York). Nourrie par ses lectures sur la philosophie ou la psychanalyse, elle a ainsi pu observer avec acuité les mouvements de la mondialisation et les transformations du monde de l’art, depuis une trentaine d’années.
Singulier pluriel
Nouveau citoyen, le titre de son projet au MAC VAL dans le cadre de la saison de la Turquie en France (2009), résonne donc comme une évidence, au regard de ce parcours et des préoccupations de l’artiste. Ce titre au singulier met en avant l’idée d’un engagement toujours vif et renouvelé ainsi que la nécessité de prendre au mot la citoyenneté, suivant un principe d’universalité. Mais le singulier masculin n’en exacerbe pas moins la question du genre, de l’oppression de la société patriarcale que l’artiste n’a de cesse d’exposer dans ces nombreux travaux, principalement par le dessin, les fresques et la vidéo.
Elle poursuit ici son travail sur le pouvoir qui s’entrelace à des figures doubles et poétiques, notamment perceptibles dans le dessin The Libido of Military School (2007) ou encore dans ces nombreux collages sur papier de 2006 qui privilégient l’hybridation entre l’humain et l’animal.
Variations de points de vue
Stolen Signs, installation présentée à la Foire d’Istanbul en 2006, explorait déjà le mélange entre la fresque, le papier peint, les motifs ornementaux associés à des symboles de la consommation, des détails érotiques et des figures soumises à l’oppression et à la violence. Du plan d’ensemble du papier peint aux figures des stickers, cette contraction des écarts trouve un point de focalisation dans les trois films d’animation qui ponctuent le mur de Nouveau citoyen.
Le spectateur y découvre ainsi des corps contraints par leurs vêtements, des fragments d’architectures, les corps habillés ou masqués d’adolescentes aux postures résolument érotiques et mêlés à la neutralité géométrique des motifs de céramiques Iznik ou à l’imaginaire romantique des toiles de Jouy. Un décryptage, des variations de points de vue et d’associations de figures contradictoires, énigmatiques qui conduisent à cette attention, cette réflexion tant souhaitées par Inci Eviner.