Estelle Fredet
Série « Des gestes »
Tirages argentiques sur papier baryté négatif
Dimensions variables
Photo © Aurélien Mole

« La beauté du geste »

Les nouvelles acquisitions de la collection

Fin de l’exposition dimanche 19 novembre.

Présentation

Il n’est pas très difficile de comprendre le sens de cette expression ni besoin de plonger dans le Littré pour en saisir toute la portée. « La beauté du geste » entend remercier celles et ceux qui, par leur générosité, témoignent de leur confiance envers l’institution. Deux termes de la fameuse expression méritent de s’y attarder cependant un peu. Le premier, la beauté, n’est pas à entendre dans un quelconque sens esthétique. Il pourrait être utilement remplacé par « élégance » ou par le mot « garantie » et orienter l’acte moins vers le geste que l’attitude ou la conscience.
Donner à un musée de France c’est penser à l’avenir d’une œuvre et vouloir la protéger à commencer de l’oubli ou de la dispersion.
En effet, une fois intégrée aux collections d’un musée de France, et après un processus de validation scientifique et politique, celle-ci devient inaliénable, elle prend un nouveau statut, entre dans une vie nouvelle. Ce n’est pas la moindre des choses que de garantir aux œuvres un abri crédible et sûr dans le temps. L’autre terme qui retient un peu l’attention est celui de geste. Les gestes distanciés et froids, pourtant presque outranciers d’Éric Dubuc et ceux d’une des séries proposés en don par Estelle Fredet se répondent entre documentaire et tragi-comédie. Au-delà du sens de chacune de ces œuvres singulières entre regard précis et évasif fictionnel c’est également au sens qu’André Chastel prêtait à l’art du geste dans un essai quasi éponyme. Certes ses théories et observations s’appuyaient sur l’art ancien, toutefois, il créait des catégories qui nous aident à comprendre le sens des postures ou la communication non verbale mais plus encore nous invitent à prêter attention au moindre geste fût-il absent.

Après une formation à l’Ecole nationale supérieure de photographie d’Arles à la fin des années 1980, et un mémoire sur la photographie coloniale, Estelle Fredet se consacre à une pratique de photographie analogique. Elle obtient le Prix Gras Savoye pour la jeune création et s’installe à Marseille où elle s’associe au collectif d’artistes La Compagnie qui édite la revue L’Inventaire. Ses images sont alimentées par ses voyages, l’expérience des rencontres, et toutes sont marquées par une attention à l’autre, à ses regards et ses actions, dans son environnement familier. La série Des gestes, réalisée sur plusieurs années dans différentes villes en France et en Allemagne, témoigne par l’instant de la pose des façons d’habiter. À la croisée du document et de la fiction, Estelle Fredet fait poser, dans la suite Machinerie, des personnes croisées au hasard de ses déambulations dans la ville de Hambourg.
D’abord publiées, ces photographies trouvent un nouvel agencement par l’accrochage. Lors d’un séjour à New-York, l’artiste rencontre Bambi, une jeune femme vivant avec sa fille dans un appartement rempli de jouets, de livres et de films. C’est le point départ de Bambi et sa fille Sarah, un ensemble de onze tirages dont le montage fabrique une inquiétante étrangeté. Alors que se généralise la photographie numérique dans les années 2000, Estelle Fredet se tourne vers la réalisation de films. Square métropole livre le quotidien du travail de kiosquiers et surtout la vie qui passe dans le quartier parisien de la Chapelle.
« Qu’est-ce qui me regarde, se demande Lacan avec l’apologue de la boîte de sardines devant une tâche lumineuse au large des côtes de Bretagne ? J’ai eu un amour fou et je l’ai encore, pour toutes ces interrogations que portent les images enregistrées, empreintes du réel avec lesquelles nous pouvons raconter des histoires, celles qui nous arrivent des autres quand elles rencontrent les nôtres. »
Estelle Fredet

Estelle Fredet : la beauté du geste, exposition au MAC VAL - YouTube

Éric Dubuc est né en 1961 à Paris, d’un père français et d’une mère allemande. Il entreprend de nombreux voyages à travers l’Europe, l’Asie et l’Afrique, mais doit séjourner à l’hôpital Claude Bernard à Paris après avoir contracté le paludisme. Les dessins Hôpital Claude Bernard, Autoportrait III et Hôpital Claude Bernard, Autoportrait V témoignent d’une production artistique exécutée lors de cette période d’isolement.
En 1985, il présente L’Accident au Salon de la Jeune Peinture à Paris. Il se suicide en 1986, à l’âge de 25 ans.
Éric Dubuc dessine et peint des personnages (Homme assis sur un tabouret ; Femme assise sur un banc I ; Groupe de personnages), des situations (Accident, voiture contre réverbère) et de nombreux Autoportraits. Ses œuvres sont marquées par une précision et une attention sensibles aux détails du quotidien, voire à l’ordinaire, sans concession. Dans une lettre datée du 17 août 1986 adressée à une galeriste, il explique sa démarche : « Je voudrais être le plus objectif possible, c’est-à-dire montrer de façon claire un certain nombre d’éléments confus et compliqués qui m’entourent ».