Pour sa première exposition personnelle en 1996, Anne Brégeaut présentait gouaches sur papier, ruban brodé, tricot épinglé, pansements percés de trous d’épingle… Toutes portaient de petits récits personnels, potentiellement autobiographiques, dans lesquels l’artiste jouait d’un discours amoureux volontairement naïf. « J’ai mis ma plus belle robe, regarde comme je suis gentille. » Nulle trace de revendication féministe, de dénonciation d’une situation subie, mais plutôt une évocation grinçante et subtile des relations dominé/dominant. Ses œuvres coulent, se fissurent, se froissent. Elles disent un sentiment intime, fragile ou déliquescent, devenu ineffable à force d’être répété.
Déclaration. Des mots impossibles à adresser à l’être désiré, trois lettres d’amour froissées sagement alignées qui rappellent La Punition de Pénélope, une œuvre inspirée par la figure mythologique et épique de la fidélité, où les mots « je t’aime » sont brodés au fil rouge sur un ruban rose enroulé sur luimême, sans fin jusqu’à l’effacement – tels les mots du Chant XVII, reliques rescapées d’une procédure de retrait par découpage de tout ce qui, dans l’Odyssée, n’était qu’exploit de l’homme tant attendu pour ne garder que les menues références à « Pénélope, la plus sage des femmes ». La Dispute, une tasse ou une assiette ébréchée (cassée puis recollée ), raconte les trois temps du drame amoureux : la dispute, la rupture, la réconciliation (toujours fragile). Quand l’artiste recolle les morceaux, elle panse les maux et tente un effacement de la blessure. Les Mots bleus, un couple de mariés, petites figurines en plastique déplacées de la pièce montée puis recouvertes de silicone bleue, ou encore Slow, un chant d’amour épuisé sur disque vinyle dégoulinant, évoquent à leur tour ces maux, ces bleus.
S.A.
Anne Brégeaut
2006
Faïence, colle, 5,5 x 8 cm.
Collection : MAC/VAL, Vitry-sur-Seine