And if I don’t meet you no more in this world/Then I’ll, I’ll meet you in the next one/And don’t be late, don’t be late

Les dispositifs de Cerith Wyn Evans, que le médium soit du texte, un miroir ou des photographies, fonctionnent comme des catalyseurs, des réservoirs de signification. L’artiste travaille sur la perception, la transmission, le codage. Le texte, littéraire ou philosophique, fait partie de ses matériaux privilégiés. Mis en forme et en lumière, le langage acquiert une dimension plastique. Les Fireworks sont des structures en bois matérialisant les phrases qui se consument à un moment donné. Les Chandeliers émettent en morse des citations d’auteurs (John Cage, madame de Lafayette, Judith Butler, Pierre Klossowski…) que l’on peut lire ou écouter ailleurs, dans des endroits discrets.

En citant Voodoo Child (Slight Return) (1968) de Jimi Hendrix, Wyn Evans crée avec And if I don’t meet you un objet polysémique. Cette chanson culte ressortit de façon posthume en 1970, comme single, et devint n° 1 des ventes au Royaume-Uni. Elle est réputée pour son interprétation envoûtante et la richesse de ses effets sonores : saturation du son, utilisation d’une pédale, son panoramique. Le sentiment amoureux, leitmotiv de la chanson populaire, est ici porté à son paroxysme : un amour si absolu qu’il efface la mort et élève ses protagonistes au-dessus de la condition humaine.

Pour cette pièce, l’artiste invente le « néon en négatif » : les lettres ne sont pas lumineuses mais recouvertes de peinture noire sur leur face visible, les mots apparaissant par contraste optique sur le halo blanc que l’arrière du néon envoie sur le mur. En citant Hendrix sans le nommer, Wyn Evans tisse des liens entre une idole des années 1960, la littérature (Roméo et Juliette), la mythologie (Orphée et Eurydice), retrouvant la figure du cycle et l’idée d’un réengendrement perpétuel de la pensée, si fréquents dans son œuvre.

A.B.

Cerith Wyn Evans

2006
Néon « en négatif », dimensions variables. Collection Rita Rovelli Caltagirone, France. Avec l’aimable autorisation de Jay Jopling/White Cube, Londres.
© Photo Stephen White.