MODERN LOVERS
Le titre de l’exposition donne le ton : il sera question d’amours, de modernité et de rock’n roll (1).
Karina Bisch (1974) et Nicolas Chardon (1974) sont peintres, vivent et travaillent à Paris depuis leur rencontre au lycée en 1990.
Leurs univers picturaux propres et singuliers s’inscrivent dans la suite des projets utopiques des avant-gardes artistiques historiques du début du 20e siècle (Bauhaus, Futurisme, Suprématisme, De Stilj, Dada…). Les deux artistes pratiquent une « peinture à vivre » savante et burlesque à la fois. Leurs recherches respectives s’augmentent parfois de travaux à quatre mains et leur attention portée à une certaine déconstruction des formes et de leurs histoires les réunit. Histoires des Arts, des expositions, de la peinture, des arts décoratifs, du design, du graphisme, de la signalétique, du rock’n roll, entre autres, nourrissent les pratiques et gestes des deux artistes.
Couple a la ville, partageant le même atelier, Bisch et Chardon collaborent régulièrement aux œuvres de l’autre, tout en développant leurs recherches singulières.
Alors que l’œuvre de Karina Bisch avance du côté de la prolifération, celui de Nicolas Chardon tendrait quant à lui plutôt vers une forme de réduction et de répétition. D’un côté, la variété des couleurs et des motifs ; de l’autre le noir et blanc et la sur-présence du carré.
Les notions de reprises, de collages, de disjonctions, de fait-main nourrissent, entre autres, ces entreprises de déconstructions picturales. La peinture est chez Bisch et Chardon, envisagée comme une manière d’habiter le monde.
Les œuvres se feuillettent en nombreuses couches de références : des plus savantes aux plus populaires et réciproquement. Néanmoins, elles ne sont jamais réduites à l’exploration d’un entre soi. Au contraire, les œuvres sont ouvertes et résonnent avec les univers référentiels de chaque regardeur et regardeuse.
Pour cette invitation conjointe au MAC VAL, Bisch et Chardon ont imaginé ce projet en forme de pavillon. L’exposition réunit œuvres de l’une et de l’autre et œuvres communes, tentant de donner corps à la production artistique d’un couple dans une scénographie originale entre écrin, maquette et décor abolissant la frontière entre l’art et la vie. 1 + 1 = 3.
Une scénographie qui s’amuse de l’idée de pavillon : folies architecturales programmatiques des expositions universelles et autres biennales, habitation, étendard… et qui propose une immense « machine à habiter » pour reprendre une formule célèbre de Le Corbusier. Une scénographie qui convoque la maison témoin, la maquette, le jeu de plateau, les showrooms des magasins, les « period rooms » des musées de civilisation, le décor de cinéma et de théâtre… « nous bâtissons une maison pour nos peintures tandis que nous sommes nous-mêmes habités par la peinture » (2).
L’audioguide, traditionnellement confié à des missions de commentaires devient ici personnage, habitant du pavillon. L’exposition se poursuit par ailleurs dans la publication éditée en partenariat avec CONNOISSEURS, maison d’édition structure de production et diffusion de multiples créée par Bisch et Chardon.
Quand le système pictural de réduction du visible inventé au début du 20e siècle par le peintre néerlandais Pieter Cornelis Mondriaan se retrouve sur une robe iconique puis devient l’image d’une entreprise de produits cosmétiques.
Quand la figure du Pierrot, oh combien lunaire et mélancolique, devient le logo d’une marque de confiserie.
Quand la grille moderniste se développe en point de croix.
Quand le carré devient pixel.
Frank Lamy, commissaire de l’exposition
(1) The Modern Lovers est un groupe de proto punk, originaire de Boston, fondé en 1970 par Jonathan Richman et actif de 1970 à 1974 puis de 1976 à 1988.
(2) Karina Bisch et Nicolas Chardon, entretien avec Frank Lamy, in Modern Lovers, cat. exp., Vitry-sur-Seine/Paris, coédition MAC VAL/CONNOISSEURS, 2022.