« Les POF sont des ouvertures, des possibilités », aime à dire Fabrice Hyber.
Exposer les quelque 160 POF existants à ce jour nous paraît être un acte militant. Une action programmatique.
Cette exposition s’inscrit dans une séquence de programmation en résonance avec le cinquième accrochage des œuvres de la collection du MAC VAL qui, sous le titre « Vivement demain », explore le mythe de l’artiste visionnaire. Faisant suite à l’exposition collective « Situation(s) [48°47’34’’ N / 2°23’14’’ E] », où s’est développée une réflexion autour d’un appel à des « Êtres au monde » résistants, et précédant celle de Fiona Banner, artiste attentive à la mise en crise des formes diverses de dominations, l’exposition de Fabrice Hyber résonne particulièrement avec l’histoire de ce musée.
Depuis la création du Fonds départemental d’art contemporain au début des années 1980 jusqu’à ses récents développements, le projet du musée se pense en direction de l’Autre. Du public. Les POF mettent en acte quelque chose d’une économie de la Rencontre. Une Rencontre modifie, à jamais, la cartographie du Réel. Le Monde s’en trouve irrémédiablement modifié. De cette aventure, l’œuvre, le visiteur, le musée ne sortiront pas indemnes, et c’est tant mieux.
Loin d’une rétrospective qui fige l’œuvre, il s’agit de faire le point, à un instant T, de donner à voir quelque chose du travail en train de se faire, de la pensée en acte. Au-delà, une telle exposition amène l’institution qui s’y attelle à se pencher sur son propre fonctionnement, à prendre conscience de ses limites, tout en les déplaçant.
De nos jours, les lieux accueillant du public répondent à de plus en plus de normes (de sécurité entre autres) qui, parfois (souvent), contraignent les projets. Comment faire coïncider, au mieux, liberté de l’art et respect des réglementations ? Question passionnante pour les équipes qui accompagnent les expositions.
Exposer les POF amplifie le travail collectif qu’est toute exposition. Cela ne peut véritablement se penser sans la mise en commun des expertises et compétences diverses d’une équipe. Comme nous le rappelons souvent, le MAC VAL est un musée en chantier. On pourrait ajouter : un Prototype de Musée en Fonctionnement.
Les POF se racontent, sont prétextes à histoires.
Les POF sont des objets de langage.
Des objets, des dispositifs, des situations sont proposés au visiteur invité à s’en saisir, s’en emparer, pour en inventer des usages. À chaque fois singuliers.
L’œuvre n’est pas (plus ?) alors un lieu clos, figé, autoritaire mais, bien au contraire, un espace multiple, ouvert, en évolution constante, qui ne cesse de se (dé)construire, de se (dé)finir. Toujours en mouvement. Dans une fluidité essentielle.
Les POF ouvrent des brèches, tant poétiques que politiques. Comme autant d’invitations à des appropriations singulières et collectives. Dans un va-et-vient permanent entre soi et les autres, déjouant tout mot d’ordre, ils posent l’art dans une dynamique libertaire fondamentale.
Entre spectateur et acteur, le visiteur est à la fois libéré de toute position assignée et renvoyé à sa propre responsabilité. À lui de trouver sa place. À lui de prendre position. Libre à lui de se situer, de définir l’endroit qu’il souhaite (peut), à ce moment-là, occuper, dans une constante et perpétuelle redéfinition des rôles et attentes de chacun.
Qu’est-ce que je fais de l’art ? Qu’est-ce que je n’en fais pas ? L’artiste élabore des outils réflexifs, des instruments d’analyse du monde. Et finalement, au travers des POF, c’est bien de notre rapport au monde dont il est véritablement question. Dans un même mouvement, les POF nous tendent un miroir où Je me reflète et ouvrent de nouvelles possibilités pour que Je sois un autre. Je suis le Sujet de l’œuvre.
Alexia Fabre Conservatrice en chef du MAC VAL
Frank Lamy, Chargé des expositions temporaires, commissaire de l’exposition