« … que c’est-il vraiment passé l’année dernière ? Voici les questions auxquelles vous, spectateur, aurez à répondre. Soyez attentif, un objet, un geste, un décor, une attitude, le moindre détail à son importance. Pour la première fois au cinéma, vous serez le co-auteur d’un film, à partir des images que vous verrez, vous créerez vous-même l’histoire, d’après votre sensibilité, votre caractère, votre humeur, votre vie passée. C’est à vous qu’il appartiendra de décider si cette image, ou celle-là, représente la vérité ou le mensonge, si cette image est réelle ou imaginaire, si cette image figure le présent ou le passé, tous les éléments vous seront donnés, à vous de conclure. »
Extrait de la bande-annonce du film « L’année dernière à Marienbad » Alain Resnais, 1961
Les films de Jesper Just distillent une ambiance trouble. Ils se construisent sur une étrangeté irrésolue. Déplaçant les codes et techniques du cinéma dans le champ des arts dits plastiques, manipulant et jouant des codes narratifs et autres conventions du genre, il nous entraîne dans un univers suspendu où la mécanique fantasmatique fonctionne à plein régime.
Le point de départ de ses films réside très souvent dans la mise en relation de faits, lieux, situations, anecdotes, etc. De forme courte, ils concentrent des faisceaux de significations sans jamais les dénouer. Ses films sont empreints d’une sorte de mélancolie grave, non dénuée d’un humour distancé. Fortement oniriques, ils accèdent à une forme de signification relative et émotionnelle propre à chaque spectateur.
Très référencés, ses films déroulent des images feuilletées dont la succession, sculptant le temps, joue pleinement du pacte narratif.
Entre réalisme et constructions mentales, les films de Jesper just mettent en scène des émotions, des états psychiques, des relations individuelles, des situations. Décors, objets, bande-son en sont des personnages à part entière. La chanson, fonctionnant comme dans le cinéma de Bollywood, vient commenter et prolonger ce qu’il nous faut bien appeler l’intrigue. Regards, gestes constituent les éléments d’un vocabulaire très maîtrisé où cadrage et montage deviennent les opérateurs de toute une machinerie désirante où le corps est central. Les clichés volent en éclats, interrogeant l’idée même de représentation, nous appelant à aller au-delà du miroir, derrière le rideau de fumée des apparences.
Pour cette première monographie dans une institution française, nous avons souhaité accompagner la nouvelle production, « This Unknown Spectacle » (2011), pièce centrale de l’exposition, d’un ensemble de cinq films, permettant ainsi une meilleure appréhension de l’univers de Jesper Just.
Frank Lamy