Quarante-trois photographies couleur numériques, 32 x 40 cm chacune.
Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France.
© Esther Shalev-Gerz.
Notice
Dans les œuvres d’Esther Shalev-Gerz, ce sont les hommes qui racontent l’histoire. Elle les écoute, donne forme au souvenir et les confronte à l’épreuve du présent et du réel. Elle-même figure les avatars de l’histoire. En 1957, Esther Shalev et ses parents quittent la Lituanie pour Israël. Elle reste nomade depuis, résidant à Paris à partir de 1984, mais parcourant toujours le monde, enseignant en Suède, installant des œuvres dans l’espace public international. Son travail se situe dans cette terre indéterminée qu’est le monde, et révèle la distorsion entre la grande Histoire et l’histoire individuelle. Longtemps associée à Jochen Gerz dans le cadre de projets publics, elle réalise avec lui de nombreux monuments dédiés à l’histoire européenne, tel le Monument contre le fascisme de Hambourg (1986-1993), que les artistes invitent à couvrir de noms et de signatures et qui finit par s’enfoncer dans le sol.
Dans son travail personnel, avec la photographie et l’installation, puis avec la sculpture et la vidéo, Esther Shalev-Gerz regarde, écoute ces vies et ces expériences du monde que sont les hommes et les femmes qu’elle rencontre lors de ses différentes escales. Filant les formes les plus diverses, elle rassemble les singularités, des histoires particulières et fait saillir ce qui participe d’une histoire élargie, de l’échelle humaine à celle du temps, une mémoire collective. Le temps est un des composants de son travail, matériau et sujet à la fois. Elle prend le temps de regarder, d’analyser, de mettre en perspective les histoires qu’on lui dit. Mais cette histoire qui en découle peut être racontée avec des mots, des regards, des rides, des silences, le temps de la mémoire.
La mémoire et le désir se font face dans First Generation, œuvre créée en 2004 pour le Centre multiculturel de Botkyrka, en banlieue sud de Stockholm. Pour ce centre d’étude des autres, Esther Shalev-Gerz a d’abord enregistré des nouveaux arrivants en Suède racontant leur histoire, autour de quatre questions : qu’avez-vous perdu ? qu’avez-vous trouvé ? qu’avez-vous reçu ? qu’avez-vous donné ? Puis elle les a filmés, alors qu’ils écoutaient leur histoire dite par leur propre voix. Ils entendent ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont quitté. Elle filme le temps de la conscience, du vécu à l’épreuve des espoirs.
Partant de cette œuvre, Esther Shalev-Gerz en a réalisé une autre, photographique, composée de quarante-trois fragments de visages capturés dans la matière de la vidéo, détails d’un visage et d’une vie qui se recomposent sur le mur. La ride traduit l’amertume, le regard ce qui a été perdu de vue… Abstraction d’un être, ces morceaux de peau racontent leur vie, teintée de désir et de réel, avec des couleurs différentes de celles de l’histoire française, qui transparaît en creux, universelle.
A.F.