Photographie couleur, 150 x 120 cm.
Acquis avec la participation du Fram Île-de-France.
© Adagp, Paris 2007
© photo Olivier Antoine.
Notice
L’artiste se met en scène, utilisant un objet insolite dont la fonction est mentionnée dans le titre de l’œuvre, Objet à voir le monde en détail. Une photographie en situation a été faite et le résultat, très esthétique, pourrait l’apparenter à une photographie de mode si ce n’est l’étrangeté de l’objet prothèse posé devant les yeux du modèle. Il s’agit d’une boîte en contreplaqué d’apparence très simple et qui ne dit rien des secrets technologiques qu’elle renferme. Est-elle autre chose d’ailleurs que ce que son apparence et son intitulé suggèrent de manière littérale, une boîte percée d’un orifice ?
C’est un objet paradoxal dont l’ambition serait de donner à voir le monde, infiniment grand, par un trou, infiniment petit. Pour l’employer au mieux, la scène se déroule en montagne, et l’homme s’appuie sur ce qui pourrait être une table d’orientation. On imagine qu’il a en face de lui un paysage panoramique extraordinaire, qu’il observe cependant par une minuscule ouverture.
Cette scène contemplative suscite un sentiment de calme, teinté de menace, où l’homme en costume observe le monde à travers son instrument, alors que l’homme à redingote de Caspar David Friedrich, Le Voyageur au-dessus d’une mer de nuages (1817-1818, Kunsthalle de Hambourg), dominait une nature tourmentée.
Philippe Ramette invente des objets un peu dérisoires, plutôt poétiques : une Boîte à isolement (1989-2004), un Objet à voir le chemin parcouru (2003) ou encore un Point de vue individuel portable (2003). Ces objets qui semblent surgis d’un roman de Jules Verne, à la fois instruments scientifiques et prothèses de l’esprit, produisent une modification littérale de la perception à portée symbolique. « Tous mes objets sont des processus de pensée. […] Il faut moins [les] tester que s’y projeter. Ils fonctionnent comme des miroirs pour l’âme » (Philippe Ramette).
Inattendus, futiles et absurdes, ces prototypes à usage singulier apparaissent comme le costume formel de l’artiste, qui en est le premier expérimentateur. Par un discret humour pince-sans-rire, ce dandy-ingénieur instaure une distance certaine avec le monde.
I.L.