Pour cette 8e exposition des œuvres de la collection inaugurée en juin 2017, nous avons choisi d’associer et d’éclairer les œuvres à partir de leur pouvoir et de leur volonté d’expression. Toutes, en effet, dégagent un certain pouvoir narratif, d’échange plus ou moins manifeste. C’est cette propension, cette invitation, mais aussi cette réserve parfois que nous souhaitons interroger, poursuivre sur des modes différents, à présent et dans le temps.
Stratagèmes, scénarios, dispositifs, lieux de projection, ellipses ou silences sont mis en place par les artistes afin que l’œuvre invite, s’ouvre ou au contraire conserve sa part de mystère, manifestant pour certaines le seul désir de ne renvoyer qu’à elles-mêmes.
Bavardes, claires et précises, pudiques, mutiques ou déclaratives, elles convoquent un mode de récit et d’expression qui résonne à chaque fois différemment en nous. Elles racontent des histoires, invitent à poursuivre, voire à construire, initient un climat, suggèrent, évoquent ou a contrario retiennent. Depuis l’invention de la modernité, une œuvre peut-elle encore convoquer un ailleurs ? Y aurait-il des époques où dire serait malvenu ou épuisé, ou bien d’autres temps où il ne serait plus possible de ne pas dire ? Y aurait-il des urgences qui placeraient les artistes dans une obligation implicite de se mêler, de raconter, et des registres plus facilement dicibles que d’autres ? Notre temps, au sens large du terme, est-il de ceux où les artistes font partie commune avec le monde, ou bien celui-ci est-il toujours et immanquablement, incessamment le même ?
Certaines œuvres parleraient-elles d’elles-mêmes tandis que d’autres non ? Le sujet, évidemment bien plus complexe, se noue autour de la question de l’adresse et de la source d’émission qui croisent celle du récepteur.
Cette nouvelle présentation de la collection met donc en jeu ces capacités d’expression et de rétention, de discrétion des œuvres, comme elle questionne notre propre pouvoir de regardeur, d’enquêteur, d’investigateur, passif ou actif. Sommes-nous de notre côté en désir et en capacité de nourrir l’œuvre et d’y projeter nos propres aspirations ?
Voici donc une partition composée d’œuvres de natures très différentes, d’époques et de modes d’expression variés, une présentation polyphonique à la recherche de ce que l’art nous livre et de ce que nous voulons bien recevoir. Pour prolonger l’histoire et ne pas conclure les récits, nous renouvelons régulièrement cet accrochage qui, dans le temps, trouve d’autres développements, installe des relations inédites entre les œuvres, réécrit des bribes et propositions de récits, avec notamment la proposition de Grout/Mazéas, artistes invités de la collection et l’exposition de Meiro Koizumi, artiste en résidence, à partir du 14 avril 2018.
Alexia Fabre
Conservatrice en chef